- Résumé
-
Sans doute Diogène est-il devenu la figure la plus authentique du cynisme. Mais de constater cela nous conduit à relever ce qui semble être un élément essentiel de la perspective cynique. Elle est inhérente à celui qui la porte. Il lui confère son caractère propre. La personnalité du philosophe imprime sa marque à la philosophie. Ce qui pourrait passer pour une remarque des plus banales, n'en a pourtant pas l'évidence là où l'école, en ce qu'elle conserve un enseignement, tend à réduire dans le moule de l'enseignement l'autonomie de penser de l'individu. Plus précisément, lorsque le candidat philosophe adhère à une école, cela se ferait au détriment de sa propre capacité à penser par lui-même. Antisthène ne devient Antisthène qu'après avoir rompu ce qui le liait à un discours issu d'autrui. Personnage du lien et de sa rupture, illustré par son attache à Gorgias puis à Socrate, Antisthène, s'il fonde bien école refuse les disciples. Et s'il refuse les disciples il n'en accepte cependant pas moins Diogène. C'est en y imprimant sa marque, son caractère, qu'Antisthène crée le cynisme. Si le cynisme est notamment cette théorie du lien et de la rupture, l'imprégnation lui en vient d'Antisthène. S'il s'enseigne dans les banlieues, si l'individu ne se résume pas pour lui à l'être grec, il en est de même. Nous avons l'exemple de Socrate qui de ce que sa mère, dit-on, fut sage-femme, imposa la maïeutique. Le cynisme semble s'inscrire dans cette logique où ce que je suis devient modèle théorique. Avec cette nuance, par rapport à Socrate, que ce qui est promu à la qualité de la théorie serait initialement vécu comme une tare. En ce sens, tant Antisthène que Diogène, sont dans ces confins où la Représentation touche ses limites ; ces faubourgs où la comédie n'est pas encore comédie, mais raillerie. Le philosophe cynique vainc pour soi et sur soi une exclusion, celle d'être non grec pour Antisthène, celle d'avoir été déchu pour Diogène.
- Sommaire
- Auteur(s)
-
Louis UCCIANI
- éléments téléchargeables