- Résumé
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Depuis 1946, Jean Grosjean a fait paraître de nombreux textes poétiques et des récits en prose parfois mêlés de vers. L'originalité de ces écrits, par rapport à l'ensemble des exégèses et des traductions publiées par l'écrivain, est de dépasser l'influence biblique, sans se détacher de la préoccupation religieuse. Nous nous efforçons de révéler le rôle de l'humour et de l'ironie dans cette action, à travers différents repères. Ils vont des jeux de mots et de langue aux énoncés qui rendent possible la connivence avec le lecteur par la perception du sentiment religieux, en passant par les figures de la contradiction – antiphrases, paradoxes et situations – et par les analogies, qui ouvrent sur des figurations contrastées. Ces variations trouvent leur légitimité dans l'émotion, et leur solution dans la référence messianique qui se dessine à travers le jeu des allusions, sans recouvrir les autres rôles. Cette émergence discrète éclaire aussi le rapport au langage, qui définit l'écriture de l'intensité. Jean Grosjean traverse les façons de dire et de penser des traditions religieuses, populaires et culturelles, pour retrouver leur fondement. Il lutte contre les attendus, les systématisations et les conventions qui marquent les usages. Mais il trouve aussi la voix de la retenue. Cette préoccupation se lit dans l'importance accordée à la distance, au doute et à l'interrogation, qui ouvrent sur l'ambiguïté. Elle se retrouve aussi dans la place accordée aux variations des heures et de la nature. De cette façon, la sensibilité de l'écrivain recouvre un quotidien qui rejoint celui de ses lecteurs. Elle s'inscrit dans la provocation et le combat contre les faux-semblants, mais pour arriver à cette proximité essentielle qui célèbre la simplicité du vivant tendu vers son créateur. Nous essayons de restituer ce mouvement qui fonde une unité paradoxale, à l'opposé des clichés comme des originalités factices.
- Auteur(s)
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Élisabeth DOUBLET